Que vais-je apprendre ?
L’innovation est au cœur du progrès économique et technologique. Parmi les différentes formes d’innovation, celle qualifiée de « disruptive » occupe une place particulière.
Introduite par Clayton Christensen dans les années 1990, la théorie de l’innovation disruptive a profondément marqué la réflexion sur les dynamiques concurrentielles et l’évolution des marchés. Examinons en détail ce concept, ses implications et ses limites.

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Inspiré des travaux Towards a model of market disruption, Gökçe Sargut And Rita Gunther Mcgrath
Le concept d’innovation disruptive
L’innovation disruptive désigne un processus par lequel un produit ou service initialement modeste parvient à s’imposer sur un marché, déplaçant progressivement les acteurs établis. Contrairement aux innovations incrémentales qui améliorent l’existant, l’innovation disruptive crée de nouvelles valeurs et redéfinit les règles du jeu.
Christensen a observé que les entreprises dominantes se concentrent généralement sur l’amélioration continue de leurs produits phares pour satisfaire leurs meilleurs clients. Ce faisant, elles dépassent parfois les besoins réels du marché. Parallèlement, de nouveaux entrants proposent des solutions apparemment inférieures, mais qui répondent aux besoins d’une niche de clients négligés. Progressivement, ces solutions s’améliorent et finissent par répondre aux attentes du marché principal, menaçant alors la position des leaders historiques.
Des exemples emblématiques
L’histoire regorge d’exemples illustrant ce phénomène. Dans l’industrie informatique, les mini-ordinateurs puis les ordinateurs personnels ont supplanté les mainframes. Dans la téléphonie, les smartphones ont bouleversé le marché des téléphones portables classiques. Plus récemment, le streaming a transformé la distribution de contenus audiovisuels.
Un cas intéressant est celui de Nintendo avec sa console Wii. Alors que Sony et Microsoft misaient sur la puissance graphique de leurs consoles, Nintendo a proposé une expérience de jeu innovante basée sur la détection de mouvements. Techniquement moins performante, la Wii a néanmoins séduit un large public, élargissant le marché du jeu vidéo à de nouveaux segments de consommateurs.
Les mécanismes de la disruption
L’innovation disruptive repose sur plusieurs mécanismes :
1. L’identification de besoins non satisfaits ou mal servis par les offres existantes.
2. Le développement de solutions simples, accessibles et souvent moins chères.
3. L’amélioration progressive de ces solutions jusqu’à satisfaire les exigences du marché principal.
4. La reconfiguration des chaînes de valeur et des modèles économiques.
Ce processus n’est pas instantané. Il peut prendre plusieurs années, voire des décennies. Pendant ce temps, les acteurs établis peuvent sous-estimer la menace, considérant les nouveaux entrants comme marginaux ou non pertinents pour leur cœur de marché.
Les défis pour les entreprises établies
Face à l’innovation disruptive, les entreprises dominantes se trouvent confrontées à un dilemme. Doivent-elles se concentrer sur leurs clients actuels et leurs produits rentables, ou investir dans des technologies émergentes potentiellement cannibales ?
Peu d’entreprises parviennent à gérer efficacement ce changement disruptif. IBM fait figure d’exception, ayant réussi à survivre aux multiples révolutions de l’industrie informatique. Sa stratégie a consisté à créer des entités distinctes pour développer ses activités émergentes, les protégeant ainsi de l’inertie de son modèle économique historique.
Les limites de la théorie
Malgré sa puissance explicative, la théorie de l’innovation disruptive présente certaines limites. Elle s’applique plus facilement aux situations où l’évolution technologique suit une trajectoire prévisible au sein d’un « régime technologique » défini. Dans de nombreux secteurs, les dynamiques concurrentielles sont plus complexes et moins linéaires.
De plus, la théorie ne prend pas toujours en compte la capacité des acteurs établis à riposter. Gillette, par exemple, a su contrer la menace des rasoirs jetables Bic en innovant dans sa gamme de produits et en renforçant sa marque.
Enfin, la notion même d’innovation disruptive peut paraître imprécise. Elle est parfois utilisée de manière interchangeable pour décrire des technologies, des produits ou des modèles économiques disruptifs, ce qui peut prêter à confusion.
Vers une approche plus nuancée
Face à ces limites, certains chercheurs proposent une approche plus large de la disruption de marché. Plutôt que de se focaliser uniquement sur les technologies disruptives, ils suggèrent d’examiner comment de nouveaux modèles économiques peuvent perturber un ou plusieurs marchés existants.
Cette perspective reconnaît que la disruption résulte souvent d’une convergence de facteurs, et pas seulement d’une avancée technologique isolée. Elle permet également de prendre en compte des situations où la disruption provient d’innovations « par le haut », c’est-à-dire de produits plus performants et souvent plus coûteux que les offres existantes.
Implications pour les entreprises
Pour les entreprises, qu’elles soient établies ou émergentes, comprendre les mécanismes de l’innovation disruptive est crucial. Cela implique de :
1. Rester à l’écoute des évolutions technologiques et des changements de comportements des consommateurs.
2. Ne pas négliger les segments de marché considérés comme peu attractifs ou marginaux.
3. Être prêt à remettre en question ses modèles économiques existants.
4. Investir dans l’innovation, y compris dans des projets qui peuvent sembler en contradiction avec les activités actuelles.
5. Cultiver une culture d’entreprise ouverte au changement et à l’expérimentation.
Conclusion
L’innovation disruptive reste un concept puissant pour comprendre les dynamiques de marché et l’évolution des industries.
Toutefois, son application requiert une approche nuancée, tenant compte de la complexité des environnements concurrentiels modernes.
Pour les entreprises, le défi consiste à trouver un équilibre entre l’exploitation de leurs forces actuelles et l’exploration de nouvelles opportunités potentiellement disruptives.
Celles qui y parviendront seront les mieux placées pour prospérer dans un monde en constante évolution.
L’innovation disruptive n’est pas une fatalité, ni pour les entreprises établies, ni pour les nouveaux entrants.
Elle représente plutôt une opportunité de repenser les modèles économiques, de créer de la valeur de manière inédite et, in fine, de contribuer au progrès économique et social.
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