Chief Impact Officer, analyse sous l’angle de la sobriété

En charge de mesurer l’impact positif et négatif de leur entreprise, les Chief Impact Officers sont tendances. Mais concrètement, ça veut dire quoi d’être Chief Impact Officers ?

L’analyse du métier de Chief Impact Officer (CIO) sous l’angle de la sobriété en tant que doctrine politique est essentielle pour comprendre comment ce rôle peut s’adapter aux impératifs environnementaux actuels.

La sobriété politique prône une réduction délibérée de la consommation matérielle pour atteindre des objectifs environnementaux et sociaux, ce qui nécessite une transformation fondamentale de notre manière de penser l’innovation et la croissance économique.

Couverture du livre "du projet innovant au management responsable de l'innovation"

Ce billet s’inscrit dans les travaux de recherche documentés dans l’ouvrage « Du projet innovation au management responsable de l’innovation« .

Cette pratique consciente de l’innovation propose de tenir compte des impacts potentiels, positifs et négatifs à court et long terme, de toute innovation.

« Un tel sujet, très peu abordé ni pas encore vraiment enseigné, méritait d’être approfondi et surtout documenté par les pratiques en cours.

Une très belle synthèse riche de nombreux apports qui au final est très opérationnelle, ce qui est assez rare. » Antoine

90 pages à parcourir pour découvrir les enjeux de l’innovation responsable et devenir #inno-responsable.

Disponible en formats papier et électronique


Rappels des billets précédents :

  1. Les premiers responsables RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises) sont apparus aux alentours de 2005. Ils étaient une réponse à la réglementation exigée : au sein des grands groupes, on leur demandait essentiellement de produire des reportings extra-financiers.
  2. Puis, après la COP 21 de 2016 qui a donné lieu aux accords de Paris, il y a eu un vrai tournant :  Le secteur financier a commencé à s’intéresser aux sujets environnementaux et sociétaux. On a vu émerger des postes RSE dans les fonds d’investissement (sous la forme de l’Investissement Socialement Responsable), ce qui a poussé les entreprises à en faire davantage.
  3. En 2019, l’entrée en vigueur de la loi Pacte en France, avec l’arrivée des sociétés à mission, a conduit à positionner les enjeux RSE au niveau stratégique. De nombreux· directeurs RSE ont été nommés au sein des comités exécutifs des entreprises.
  4. Enfin, à partir de 2020 et 2021, les Chief Impact Officers sont apparus, notamment dans les entreprises de la tech ou du digital, mais aussi dans les PMI et PME, très investis dans le tissu économique local.

Examinons comment le CIO peut s’inscrire dans cette perspective de sobriété.

  1. Remise en question de la Consommation Matérielle : La sobriété politique met l’accent sur la nécessité de remettre en question notre niveau actuel de consommation matérielle. Le CIO peut jouer un rôle clé en encourageant l’entreprise à réduire sa consommation de ressources et à minimiser les déchets.
  2. Discernement Technologique : L’Académie des technologies met en garde contre l’assimilation automatique de tout progrès technique à la croissance économique. Le CIO peut contribuer en évaluant les innovations technologiques à la lumière de leur impact environnemental et social, en promouvant la mise en œuvre de technologies sobres.
  3. Innovations Sobres : La sobriété encourage le développement d’innovations sobres, qui visent à produire une utilité sociale et environnementale tout en préservant les ressources. Le CIO peut orienter l’entreprise vers ces types d’innovations, en mettant l’accent sur la restauration des écosystèmes et la réduction de l’empreinte environnementale.
  4. Changement des Indicateurs et des Technologies de Gestion : Le CIO peut jouer un rôle crucial dans la révision des indicateurs de performance de l’entreprise. Plutôt que de se concentrer uniquement sur la croissance économique traditionnelle, les indicateurs devraient également mesurer l’impact environnemental et social. Le CIO peut promouvoir des technologies de gestion axées sur la sobriété.
  5. Politiques Publiques Volontaristes : La sobriété politique appelle à l’adoption de politiques publiques plus volontaristes pour faciliter la transition vers un mode de vie sobre. Le CIO peut collaborer avec les gouvernements et les parties prenantes pour promouvoir des politiques qui encouragent la sobriété dans le secteur privé.
  6. Finalités Sociétales Durables : Enfin, le CIO peut contribuer à replacer l’innovation au service de finalités sociétales pour la construction d’un monde véritablement durable. Il peut aider l’entreprise à définir des objectifs de sobriété qui vont au-delà de la simple croissance économique, en intégrant des objectifs environnementaux et sociaux.

Dans l’ensemble, le métier de CIO peut jouer un rôle crucial dans la transition vers la sobriété en réorientant l’innovation et la croissance économique vers des finalités plus durables. Cela demande une approche systémique, la remise en question de la consommation matérielle excessive et l’adoption de politiques plus ambitieuses pour atteindre des objectifs environnementaux et sociaux.

L’analyse sceptique du métier de Chief Impact Officer (CIO) en tant qu’outil compatible avec la sobriété en tant que doctrine politique repose sur le point de vue que, malgré les intentions louables, le CIO peut être limité par les structures corporatives et les impératifs économiques des entreprises.

Pour soutenir ce point de vue, nous pouvons explorer les arguments de chercheurs en sciences politiques qui remettent en question la compatibilité entre le rôle du CIO et la sobriété politique :

  1. Manque d’Indépendance : Certains chercheurs en sciences politiques soulignent que le CIO, en tant qu’employé d’une entreprise, peut avoir des intérêts conflictuels. Il est payé pour promouvoir les intérêts de l’entreprise, y compris la croissance économique, ce qui peut entrer en conflit avec les objectifs de sobriété politique visant à réduire la consommation matérielle.
  2. Contraintes du Capitalisme : Les chercheurs font valoir que le capitalisme est intrinsèquement axé sur la croissance économique et la maximisation des profits. Les entreprises sont sous pression pour générer des revenus et s’agrandir, ce qui peut entrer en conflit avec les objectifs de sobriété, qui exigent une réduction délibérée de la consommation.
  3. Greenwashing : La critique du greenwashing est fréquente. Certains chercheurs estiment que le rôle du CIO peut être utilisé pour masquer les activités nuisibles de l’entreprise sous une façade de responsabilité environnementale, sans réellement remettre en question le modèle commercial sous-jacent.
  4. Limitations Structurelles : Les structures hiérarchiques et les mécanismes de gouvernance des entreprises peuvent rendre difficile la mise en œuvre de changements profonds vers la sobriété. Les CIO peuvent avoir des idées et des intentions, mais les décisions finales sont souvent prises par les dirigeants d’entreprise.
  5. Pressions du Marché : Les entreprises sont souvent soumises à des pressions concurrentielles sur le marché, ce qui peut les pousser à poursuivre des stratégies de croissance rapide plutôt que de s’engager dans des approches de sobriété qui peuvent sembler moins rentables à court terme.
  6. Légitimation du Statu Quo : Certains chercheurs suggèrent que le rôle du CIO peut parfois servir à légitimer le statu quo économique, en donnant l’impression que les entreprises prennent des mesures significatives pour résoudre les problèmes environnementaux, alors qu’elles peuvent ne faire que des changements marginaux.
  7. Écarts entre Discours et Pratiques : Enfin, des chercheurs mettent en évidence les écarts entre les discours et les pratiques réelles des entreprises en matière de responsabilité sociale et environnementale. Les CIO peuvent être pris entre des pressions contradictoires, ce qui peut entraîner un écart entre les déclarations d’engagement envers la sobriété et les actions réelles.

En conclusion, les chercheurs en sciences politiques soulèvent des questions fondamentales concernant la compatibilité du rôle du CIO avec la sobriété en tant que doctrine politique.

Ils remettent en question la capacité du CIO à opérer des changements profonds au sein des entreprises, en tenant compte des contraintes du capitalisme et des intérêts économiques.

Cette analyse sceptique met en évidence les défis inhérents à la promotion de la sobriété dans un contexte où la croissance économique est souvent privilégiée.

Pour approfondir davantage l’analyse sceptique du métier de Chief Impact Officer (CIO) en tant qu’outil compatible avec la sobriété en tant que doctrine politique, nous pouvons nous appuyer sur les travaux de chercheurs en sciences politiques qui mettent en lumière les défis structurels et les tensions inhérents à ce rôle :

  1. James Meadowcroft : Meadowcroft, un chercheur en politique environnementale, a étudié les mécanismes de gouvernance et les incitations économiques qui influencent les décisions des entreprises en matière d’impact environnemental. Il souligne que les entreprises sont souvent motivées par des impératifs de profitabilité à court terme, ce qui peut entrer en conflit avec les objectifs à long terme de sobriété politique visant à réduire la consommation matérielle.
  2. Juliet Schor : Schor, spécialiste de l’économie politique, explore les dynamiques de la consommation et du travail dans la société contemporaine. Ses recherches montrent comment les entreprises encouragent souvent la surconsommation pour stimuler la croissance économique. Le rôle du CIO peut être limité par cette réalité économique, car il est difficile de remettre en question le modèle de consommation tout en maintenant la rentabilité de l’entreprise.
  3. Michael Maniates : Maniates, un chercheur en politique environnementale, se penche sur les racines culturelles de la surconsommation. Il met en évidence comment la publicité et la culture de la consommation sont intégrées dans notre société, ce qui peut rendre difficile pour le CIO de promouvoir la sobriété sans s’opposer à ces forces culturelles profondément enracinées.
  4. Lorenzo Fioramonti : Fioramonti, spécialiste de l’économie politique, examine les indicateurs de bien-être et de progrès économique. Il critique le PIB comme mesure de la réussite économique, car il encourage la croissance sans égard aux impacts environnementaux. Le CIO peut être en désaccord avec cette approche, mais les entreprises sont souvent évaluées principalement sur la base du PIB.
  5. Julia Steinberger : Steinberger, chercheuse en sciences politiques, se concentre sur les liens entre la consommation énergétique et les inégalités. Ses travaux montrent comment les entreprises et les pays développés ont une empreinte écologique disproportionnée par rapport aux pays en développement. Les CIO peuvent se heurter à des obstacles pour réduire ces inégalités environnementales dans un contexte commercial.

Ces chercheurs en sciences politiques soulignent collectivement les défis majeurs auxquels sont confrontés les CIO lorsqu’ils cherchent à promouvoir la sobriété en entreprise.

Ils mettent en évidence les contraintes structurelles, culturelles et économiques qui peuvent entraver la transition vers une économie sobre.

Cette analyse renforce l’idée que, malgré de bonnes intentions, le CIO peut avoir du mal à aligner les objectifs de l’entreprise avec les principes de sobriété politique.


En conclusion, l’innovation responsable ou plus exactement, le management responsable de l’innovation, engage les innovateurs à anticiper et à prendre en compte les effets futurs de l’innovation, y compris celles qui sont encore inconnus, afin de protéger les « communs » de notre planète.


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