Alice de Casanove

La norme ISO 56002 au service du management de l’innovation, par Alice de Casanove

Pour cet article invité, innovecteur a donné la parole à une experte des normes innovation. Écoutez ou lisez son message !

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Alice de Casanove

Alice est directrice de la culture et de l’intrapreneuriat au sein d’Airbus North America.

Elle fait vivre la culture d’Airbus au États-Unis et crée un cadre de travail pour que les intrapreneurs et leurs projets s’épanouissent.

Alice joue également un rôle moteur dans la publication des normes internationales de la collection ISO 56000 qui traitent des bonnes pratiques en matière de gestion de l’innovation.

Depuis 2013, elle préside le comité international regroupant plus de plus de 66 pays et travaille en étroite coordination avec la Banque mondiale, l’OMC (organisation mondiale du commerce), l’OCDE (organisation de coopération et de développement économique), l’OMPI (organisation mondiale de la propriété intellectuelle).

Elle anime également un podcast L’Ampoule : https://anchor.fm/lampoule.


Innovation. Définition et histoire de la définition de ce terme, notamment dans le cadre des travaux de l’ISO  

Les travaux dans le cadre de l’ISO ont commencé en 2013 par la définition du terme « innovation ». L’OCDE avait déjà défini ce terme, mais de façon imparfaite puisque confondant le résultat, le processus d’innovation et l’ensemble des activités menées dans une entreprise en matière d’innovation.

Il a été finalement été décidé de considérer l’innovation comme un résultat, et plus précisément « une entité nouvelle ou modifiée de façon substantielle qui crée ou distribue de la valeur ».

Cette définition est désormais adoptée par l’OCDE, y compris dans le Manuel d’Oslo, l’OMC, l’INPI et la Banque mondiale, ce qui est déjà un premier résultat particulièrement intéressant pour ces différentes organisations internationales.

Préalablement au terme « entité », l’ISO utilisait le terme « objet » mais ce dernier figurait déjà dans d’autres normes. Le terme entité s’est donc imposé et inclut plusieurs notions : produit, service, organisation et modèle d’affaire. On va donc bien au-delà du seul produit innovant !

Par valeur, la norme ISO dépasse la valeur économique. Il s’agit de satisfaire un besoin qui a été émis. Et cette précision a une incidence forte sur les politiques publiques ! En effet l’OCDE, en se basant sur la définition de l’ISO, a modifié ses règles de mesure de l’innovation, d’un point de vue statistique.

Et in fine, cette définition fait prendre conscience que la valeur est également sociétale et environnementale.

Le calcul de la valeur dépend beaucoup du contexte de l’organisation et les travaux ont encore lieu. Cependant, l’OCDE, notamment dans son Manuel d’Oslo, dispose d’une batterie d’indicateurs relatifs à l’innovation.

Actuellement, la norme ISO 56002 définit la gestion d’un système de management de l’innovation, ainsi qu’un document sur la gestion des partenariats (ISO 56003) et de la propriété intellectuelle (ISO 56005), l’intelligence stratégique (ISO 56006), un document sur l’intelligence stratégique (ISO 56006) et enfin, un sur l’évaluation du management de l’évaluation (ISO 56004), destiné essentiellement aux consultants souhaitant comparer plusieurs systèmes de management.

Les documents sont disponibles à l’achat dans la boutique ISO : https://www.iso.org/committee/4587737/x/catalogue/p/1/u/0/w/0/d/0

Tous ces documents se réfèrent à l’ISO 56000, qui fixe les principes essentiels et le vocabulaire relatifs au management de l’innovation. Cette norme est disponible à la consultation : https://www.iso.org/obp/ui/#iso:std:iso:56000:ed-1:v1:fr

Quittons le monde de la normalisation pour retrouver le monde bien concret de l’entreprise. Aujourd’hui, quelle place donnée à l’innovation, entre les activités de R&D, de marketing et de fusion-acquisition ?

Ce que la normalisation cherche à faire, c’est de partager les bonnes pratiques, rendre visible l’innovation au sein de l’entreprise et assurer une certaine légitimité aux acteurs de l’innovation. En effet, aucune entreprise n’innove par hasard mais au contraire, ce sont des pratiques bien spécifiques qui permettent de produire des innovations.

La norme fournit donc une structure que l’on peut mettre en place pour être à l’écoute de toutes les pistes d’innovation, pour définir une stratégie innovation et enfin, allouer les ressources à mettre en place.

In fine, ce cadre permet à l’entreprise d’écarter plus rapidement les pistes infructueuses pour consacrer davantage d’énergie à celles plus prometteuses : il s’agit d’une approche exploratoire, hautement incertaine et parfois fructueuse. C’est une posture nouvelle et inconfortable pour les entreprises, davantage conçues pour délivrer avec régularité des produits et services.

Car l’innovation se positionne de façon originale par rapport à la recherche et développement. Schématiquement, la recherche amont permet de transformer des investissements en connaissances. Puis la recherche & développement transforme ces connaissances en technologies.

Ensuite, les différentes briques technologiques sont assemblées par les équipes d’innovation pour devenir des produits et services innovants créant de la valeur. Ce qui permet de générer des revenus utiles pour un nouveau cycle de recherche – innovation.

C’est bien grâce à l’identification de ces processus que l’on capable de rendre visible le rôle de l’innovation au sein des entreprises.

Quelle approche pour développer la culture innovation d’une entreprise ? En quoi la norme ISO apporte-t-elle une structure et sert-elle de guide ?

Avant toute chose, l’implication du leadership est une condition préalable à l’établissement d’une culture d’innovation. Il faut ensuite développer les compétences, pour prendre conscience du rôle à jouer dans la démarche innovation de l’entreprise. Et enfin, l’analyse régulière du portefeuille de projets d’innovation permet de décider des pistes les plus intéressantes pour créer de la valeur.

Culture et développement des compétences / parcours de formation, quelle réalité en entreprise ?

Chez Airbus en particulier, 4 domaines de compétences ont été définis :

  1. Design thinking. En plaçant cette méthode comme une compétence fondamentale, Airbus a voulu mettre en avant l’empathie, c’est-à-dire les efforts à réaliser pour mieux comprendre les besoins des clients. L’autre impact du design thinking, c’est le changement du rôle du prototype. Jusque-là, le prototype était caché car assimilé au non-savoir. Au contraire, avec l’approche design thinking, l’objectif est de place le prototype au cœur de la démarche d’innovation.
  2. Business thinking. A travers cette compétence, c’est toute l’approche business model qui est valorisée, ainsi que les compétences de communication et de conviction des décideurs.
  3. System thinking. Au-delà d’un produit bien conçu pour les utilisateurs (design thinking) et capable de produire de la valeur (business thinking), il est fondamental d’anticiper la place que l’innovation va prendre, une fois proposée au marché. Car la diffusion d’une innovation perturbera le monde dans lequel elle s’insère, de façon plus ou moins forte. Comprendre les acteurs en place et leurs interactions aide à positionner l’innovation dans son écosystème
  4. Innovation leadership / intrapreneuriat. L’objectif est d’aider les chefs de projet à développer et maintenir dans le temps, leur énergie et leur passion pour l’innovation : constituer une équipe, convaincre de la nécessité d’obtenir un budget ou l’accès à certains équipements, gérer les hauts et les bas du projet, … autant de soft skills nécessaires.

Chez Airbus, ces compétences ont été transformées en formations, délivrées par Air business Academy et disponibles au monde extérieur : les managers, les porteurs de projet et également l’équipe innovation.

La norme ISO permet aux coachs en innovation de disposer d’éléments communs pour évaluer et accompagner les projets, sur des thématiques comme la technologie, marketing et vente, financier, organisationnel et réglementaire. Sur cette base, des tableaux de bord peuvent être bâtis et ainsi, disposer d’une vue consolidée du portefeuille de projets d’innovation.

ISO 56002 est une norme de management de l’innovation. En quoi est-elle une norme de management responsable de l’innovation ? On y trouve les notions de durabilité, de parties prenantes. Sur quels enjeux pourrait-on aller plus loin ?

Aujourd’hui, la norme innovation comprend, à ce stade, peu d’éléments relatifs au développement durable. Cependant, des révisions de cette norme sont prévues et pourront à l’avenir s’inspirer des pratiques des pays.

Par exemple, la France prévoit de fusionner un document relatif au management de l’innovation et un autre relatif au management responsable de l’innovation, notamment via une commission ouverte à tout expert souhaitant travailler sur ce sujet.

Pour participer aux travaux : https://norminfo.afnor.org/structure/afnorcn-innov-s-gt3/cn-innov-s-gt3/77630

La norme ISO 56001 est en préparation. Quelle logique par rapport à la norme ISO 56002 ?

ISO 56002 est une norme de recommandation alors que la norme ISO 56001 sera une norme de certification, c’est-à-dire auditable. Ce chantier est lancé depuis fin février 2021 et devrait être disponible courant 2023.

Ici encore, un appel aux experts est lancé pour contribuer à la construction de cette norme. Pour plus d’informations, contacter Alice de Casanove.

Plus d’information sur le podcast L’ampoule, le podcast d’Alice de Casanove (timing : 45’00)


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