Mircea-Gabriel Chirita, Joao Bento Oliveira, Louis Jacques Filion, auteurs de « Intrapreneuriat et entrepreneuriat organisationnel » définissent l’intrapreneuriat comme le domaine centré sur l’acteur entreprenant.
Les auteurs précisent que « l’intrapreneur peut agir avec ou sans le consentement de la direction de l’entreprise ». La question est donc de savoir si un intrapreneur :
• agit avec le consentement de son entreprise – il serait alors un intrapreneur accepté
• ou au contraire, mène ses actions sans le consentement de son entreprise – il serait alors un intrapreneur résistant
Discussion sous l’angle de l’intrapreneuriat
Dans le document « Intrapreneuriat et entrepreneuriat organisationnel » de Chirita, Oliveira, Filion, l’intrapreneuriat et l’entrepreneuriat organisationnel sont des concepts complémentaires pour définir la dynamique entrepreneuriale au sein d’organisations.
Intrapreneuriat
L’intrapreneuriat est centré sur l’acteur (l’intrapreneur). C’est un concept qui fait essentiellement référence à l’individu œuvrant dans une organisation, dans une logique d’innovation. Par contre, l’intrapreneur peut agir avec ou sans le consentement de la direction de l’entreprise.
Intrapreneur versus entrepreneur
L’intrapreneur développe et réalise des visions émergentes ou complémentaires à la vision centrale de son entreprise. Sa motivation principale « le processus de l’innovation, la liberté et la capacité d’innover ».
Par opposition, un entrepreneur, en créant une structure indépendante, est un « visionnaire », axé sur la réalisation d’une vision qui lui est propre. Sa motivation principale est l’autonomie et la liberté d’action.
Intrapreneur versus manager
Bien entendu, l’intrapreneur reste salarié de son entreprise. Par contre, par rapport à un manager « standard », il fait preuve de caractéristiques spécifiques : la vision, l’innovation et la prise de risques.
Un manager est orienté « exploitation », cherchant à conduire au mieux les activités de l’entreprise alors que l’intrapreneur est davantage orienté « exploration », cherchant à trouver des solutions originales et créer de nouvelles activités.
Ce qui se passe au niveau des individus (manager vs. intrapreneur) se retrouve au niveau de l’entreprise : on parle d’ambidextrie une entreprise capable de gérer conjointement des activités d’exploitation et d’exploration. Les intrapreneurs sont une ressource essentielle de cette dernière activité.
En conclusion
On peut donc dire que l’intrapreneur est à mi-chemin entre le manager et l’entrepreneur. Plus autonome qu’un salarié classique, il prend cependant moins de risque qu’un entrepreneur. Les auteurs dressent un portrait-robot des intrapreneurs :
- capacité d’identifier de nouvelles opportunités de développement
- discipline en ce qui concerne ses modalités d’actions collectives
- créativité dans la gestion de ressources limitées
- le sens politique
- pensée projective
Discussion sous l’angle de l’entrepreneuriat organisationnel
Base de travail : document « Intrapreneuriat et entrepreneuriat organisationnel » de Chirita, Oliveira, Filion.
L’entrepreneuriat organisationnel
Par opposition à l’intrapreneuriat, l’entrepreneuriat organisationnel est centré sur le processus et sur l’organisation ayant décidé de favoriser et de soutenir des pratiques intrapreneuriales. Cela se traduit de deux façons :
- La création d’entreprises (corporate venturing), correspondant à la création de nouvelles activités se développant à l’intérieur (nouvelles unités de gestion, nouveaux centres de profit) ou à l’extérieur de l’organisation (prise de participation dans des start-ups, création d’une nouvelle activité en dehors de l’entreprise)
- Le renouvellement stratégique, aboutissant à la mise en œuvre de dispositifs permettant de faire émerger une culture entrepreneuriale dans l’organisation.
Il est intéressant de qualifier l’impact de l’entreprise et de son organisation sur la démarche d’un intrapreneur (acceptation ou non de l’intrapreneur). Pour cela, les auteurs Chirita, Oliveira, Filion proposent une grille de lecture de Russell en 7 points.
(1) la stratégie entrepreneuriale
Lorsque l’intrapreneur démarre ses actions, est-ce que l’entreprise tolère et autorise ces innovations organisationnelles ? Peut-on parler d’un soutien massif, organisé et volontaire ? En tous cas, l’absence d’interdiction de l’entreprise est un encouragement à l’action de ces intrapreneurs.
(2) la culture organisationnelle
L’entreprise valorise-t-elle l’innovation comme source d’avantages concurrentiels ? Existe-t-il réellement des mesures d’encouragement de la créativité ou le partage organisé d’informations entre les individus et les groupes indépendamment de leur position dans l’organisation ? Quid de la tolérance à l’échec – on devrait parler d’apprentissage par l’expérience ? Est-ce que cette culture fait pas partie des messages envoyés aux collaborateurs ?
(3) la structure de l’organisation
Est-ce que la structure organisationnelle favorise l’innovation intrapreneuriale ? (ex. d’une entreprise fortement hiérarchisée et cloisonnée). Quid de l’ouverture de l’entreprise provoquée par une éventuelle stratégie digitale ?
(4) la disponibilité des ressources
Est-ce que l’entreprise octroie une disponibilité (par exemple, un jour par semaine pendant quelques mois) à ses collaborateurs ? C’est évidemment minuscule à l’échelle de l’entreprise mais un encouragement fort au niveau individuel.
(5) les systèmes de récompenses
Quelles récompenses symboliques sont prévues par l’entreprise pour ses intrapreneurs ?
(6) le soutien de la direction
Est-ce que la direction tolère ses démarches nouvelles, est-ce qu’elle les prolonge sur la durée, même si les demandes semblent « extravagantes » ?
7) la prise de risques et formes d’innovation
L’entreprise est-elle craintive aux risques et/ou se lance-t-elle dans des innovations fortes, porteuses de risques ?
Charte de l’intrapreneur déterminé … et résistant
L’intrapreneuriat a été formalisé pour la première fois en Suède en 1975, notamment après la création de “L’école de l’intrapreneuriat”, création de 3 consultants Suédois. L’intrapreneuriat, présenté comme une alternative aux processus d’innovation classiques, se base sur 10 commandements.
1. Come to work each day willing to be fired (allez au travail, chaque jour, en étant prêt à vous faire licencier)
2. Circumvent any orders aimed at stopping your dream (contournez tous les ordres visant à arrêter votre rêve)
3. Do any job needed to make your project work, regardless of your job description (Faites n’importe quelle tâche nécessaire pour que votre projet fonctionne, quelle que soit la description de votre poste)
4. Find people to help you (Construisez votre tribu)
5. Follow your intuition about the people you choose, and work only with the best (Ecoutez votre intuition sur les personnes que vous choisissez, et ne travaillez qu’avec les meilleurs)
6. Work underground as long as you can – publicity triggers the corporate immune mechanism (Travaillez en cachette car la publicité va déclencher les mécanismes de défenses immunitaires de l’entreprise)
7. Never bet on a race unless you are running in it (Ne pariez jamais sur une course sauf si vous courez dedans)
8. Remember it is easier to ask forgiveness than to ask permission (il est plus facile de demander pardon que de demander la permission)
9. Be true to your goals, but realistic about the ways to achieve them (Soyez fidèles à vos objectifs, mais réalistes quant aux moyens de les atteindre)
10. Honor your sponsors (valoriser tous les contributeurs)
Pour aller plus loin
1/ Consultez les billets de la catégorie ‘intrapreneuriat’
2/ Lisez Management de l’innovation, le défi de l’ambidextrie pour mettre votre programme d’intrapreneuriat cohérente avec votre stratégie d’innovation :
- Innover oui, mais comment et surtout pour faire quoi ? Quelle place pour la fonction innovation au sein d’une structure déjà dotée de marketing et recherche & développement ? Comment mettre en place l’ambidextrie, la stratégie d’innovation duale qui vous permet de réinventer vos activités actuelles et explorer de nouvelles voies d’avenir ?
- Cet ebook vous fournit un questionnaire prospectif et une analyse des risques de disruption, pour mettre en place une stratégie d’innovation duale.