Même imparfaite, l’approche par la réduction de l’incertitude facilite l’évaluation des projets innovants

Les projets innovants ont cette particularité d’évoluer dans l’inconnu et l’incertitude, sans que la destination ne soit connue à priori. De ce fait, comment est-il possible d’en mesurer les résultats ?

Cet article fait partie d’une série qui se propose de présenter les méthodes d’évaluation des projets innovants. Les cas d’application les plus immédiats sont les suivants :

  • Intrapreneuriat
  • Pilotage d’une innovation
  • Coaching d’une équipe innovante
  • Arbitrage d’un portefeuille de projets
  • Audit de projet

Ce billet présente la 3ème approche, appelée « réduction de l’incertitude ».

En situation d’innovation, il est important de distinguer risque et incertitude

Une façon d’aborder cette notion consiste à l’envisager sous l’angle des probabilités. Un risque est une situation future dont la probabilité peut être estimée, soit grâce à la disponibilité d’un historique, soit par l’étude des événements au fil du temps.

Par opposition, une incertitude est une situation qui non seulement ne dispose pas de données mais ne peut pas être étudiée parce que n’obéissant pas à des lois mathématiques.

Dans ce cas, aucun calcul statistique ne peut aider à la compréhension d’un phénomène n’existant pas encore. Par exemple, comment imaginer les applications commerciales d’internet lorsqu’il a été conçu à l’origine pour des raisons militaires ?

Certains auteurs proposent alors une stratégie à adopter vis-à-vis de l’incertitude inhérente aux projets innovants

Lorsque le projet est incertain car le champ de connaissances est faiblement défriché, il faut alors développer des connaissances en expérimentant différentes solutions jusqu’à obtenir satisfaction, dans une logique essai-erreur.

Par contre, lorsque le projet est si complexe qu’apprendre n’aide pas à comprendre l’impact de chaque solution sur l’ensemble, il devient utile d’explorer différentes solutions en parallèle pour espérer en trouver une qui convienne.

Enfin, si le projet est incertain et complexe, il convient d’associer les deux approches : lancer plusieurs recherches en parallèle et combiner les résultats intermédiaires, pour définir de nouvelles voies.

Cependant, il faut être conscient que les incertitudes sont parfois résolues, non pas avant mais après le lancement du produit.

Menée sur des projets innovants de l’industrie automobile, elle montre que les incertitudes sont parfois résolues, non pas avant mais après le lancement du produit.

C’est notamment le cas pour des données concernant le marché et les usages. De plus, l’étude montre que le projet fournit des données en rapport avec des questionnements que personne n’avait eu au lancement du projet !

Un projet doit donc être en mesure de créer des scénarios au fur et à mesure de sa progression. C’est « un processus d’acquisition de connaissances qui conduit progressivement à obtenir des informations supplémentaires permettant de réduire les incertitudes ».

Les options réelles, une autre approche de la gestion des incertitudes

Le modèle des options réelles a été décrit par Baldwin et Clark. Parmi les approches financières permettant d’évaluer l’opportunité d’un investissement, les options réelles permettent à la fois de se prémunir contre les risques de pertes tout en favorisant le potentiel de gain.

Dans un projet innovant, les options réelles s’obtiennent introduisant dans la conception du produit des dispositifs dont on pourrait avoir besoin.

Par exemple, une roue de secours dans une voiture est une option réelle, car elle donne au conducteur le droit – mais pas l’obligation – de changer un pneu à tout moment et particulièrement en cas de crevaison. En innovation, les options réelles représentent un intérêt fort puisqu’elles permettent un ajustement au fil du temps, en fonction des besoins réels. Il s’agit donc de la conception de la flexibilité.

Ce mode de pensée autour de la réduction des incertitudes a permis d’outiller les méthodologies de gestion de projet

C’est le cas du NTCP – Novelty, Technology, Complexity and Pace ou du DDP – Discovery-Driven Planning. Dans ce dernier cas, il s’agit de réduire le ratio hypothèse / connaissance.

Plus ce ratio est élevé (lorsque les incertitudes sont grandes), plus il est important d’acquérir rapidement des connaissances à coût faible, c’est-à-dire à une valeur que l’on est prêt à perdre.

L’objectif du DDP est d’acquérir suffisamment d’informations pour faire un choix « raisonnablement juste », avec davantage de confiance. En fait, il s’agit de gérer le projet en pilotant chacune des incertitudes, une par une.

MALGRÉ ses promesses, L’approche par la réduction de l’incertitude présente cependant des lacunes

En situation d’incertitude, par exemple lorsque le marché n’existe pas encore, il n’est pas simple d’appliquer le DDP.

La première étape consiste en effet à bâtir un document comptable. Mais difficile de le construire lorsqu’on ne dispose pas de données. C’est alors bien plus qu’une incertitude, c’est une réelle inconnue.

Enfin, une étude montre que les décisions prises exclusivement sur la base de la réduction des incertitudes pouvaient conduire à ne pas profiter pleinement de la construction de nouvelles capacités.

Pour qu’un projet innovant puisse transmettre les connaissances qu’il a développées, il est nécessaire d’avoir atteint un certain seuil de développement, à la fois pour avoir le temps de créer des savoirs et pour être en mesure de convaincre d’autres équipes de s’en emparer.

Un arrêt trop rapide du projet peut être salutaire d’un point de vue financier mais préjudiciable pour la construction et le renouvellement des compétences des individus, des équipes et de l’organisation.

Ainsi, même si l’approche par la réduction de l’incertitude est imparfaite pour les projets innovants, elle introduit l’importance de la durée et de la continuité de la mesure, pour tenir compte de progrès continus, différés et parfois même, tardifs.


Bibliographie :

  • Baldwin et Clark 1994. Capital-Budgeting Systems and Capabilities Investments in U.S. Companies after the Second World War
  • Hung et So 2010. The Role of Uncertainty in Real Options Analysis
  • Knight 1921. Risk, Uncertainty, and Profit
  • Loch, DeMeyer, et Pich 2006. Managing the Unknown: A New Approach to Managing High Uncertainty and Risk in Projects
  • McGrath et Macmillan 2009. Discovery-Driven Growth: A Breakthrough Process to Reduce Risk and Seize Opportunity
  • McGrath et Le Pendeven 2015. The Discovery Driven Planning concept is now a standard for the academic entrepreneurship curriculum
  • McGrath, Keil, et Tukiainen 2009. Gems from the Ashes: Capability Creation and Transformation in Internal Corporate Venturing
  • Midler et Silberzahn 2008. Creating Products in the Absence of Markets: A Robust Design Approach
  • Sarasvathy et Kotha 2004. Effectuation in the Management of Knightian Uncertainty: Evidence From the RealNetworks Case
  • Shenhar et Dvir 2007. Reinventing Project Management. The Diamond Approach to Successful Growth and Innovation
  • Wang et De Neufville 2005. Real Options “in” Projects

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