Les projets innovants ont cette particularité d’évoluer dans l’inconnu et l’incertitude, sans que la destination ne soit connue à priori. De ce fait, comment est-il possible d’en mesurer les résultats ?
Cet article fait partie d’une série qui se propose de présenter les méthodes d’évaluation des projets innovants. Les cas d’application les plus immédiats sont les suivants :
- Intrapreneuriat
- Pilotage d’une innovation
- Coaching d’une équipe innovante
- Arbitrage d’un portefeuille de projets
- Audit de projet
Comme présenté dans le billet précédent, le processus de conception fournit un nouveau produit ainsi que de nouvelles connaissances. La capacité à utiliser ces connaissances « produites en excès » est un élément essentiel pour renforcer les compétences de conception au fur et à mesure des projets.
Cependant, pouvoir exploiter ces nouvelles capacités est loin d’être simple
L’intérêt de disposer de nouvelles connaissances n’a de sens que si les projets ultérieurs sont en mesure de transformer ces capacités « potentielles » en produits « réels ».
De nouvelles capacités créées par un projet ont donc une « valeur potentielle ». Ces capacités sont dites « dormantes » au sens où elles sont disponibles mais pas encore mises en oeuvre.
La construction de la valeur a lieu lors de l’exploration d’un produit nouveau avant son existence sur le marché
En effet, « la valeur n’est donc pas un trésor caché à découvrir mais au contraire à construire ». La valeur d’une offre se révèle à condition que les innovateurs fassent émerger des transformations dans les activités des destinataires.
Il est souvent plus efficace de demander à des utilisateurs potentiels ce que le produit innovant leur permettrait de faire plutôt que de leur proposer une liste préétablie d’usages possibles. Car cela autorise l’utilisateur à détourner le produit pour ses propres besoins et donc de faire émerger un « effet-utile ».
Ceci impliquera de multiples rencontres avec des utilisateurs potentiels in situ, à l’aide de prototypes pour qu’ils puissent imaginer des usages possibles et donc influencer la conception du produit.
C’est par l’intéressement d’un nombre croissant d’alliés que le projet innovant se déploie jusqu’à un éventuel succès
Ce dernier point se fonde sur l’approche des réseaux d’acteurs : selon cette vision, le sort d’un projet dépend des alliances qu’il permet de créer et des intérêts qu’il mobilise.
Plusieurs natures d’acteurs peuvent être identifiées : le demandeur (celui qui utilise), le client (celui qui paie, qui peut être différent du demandeur) et également un réseau plus large de parties prenantes, ayant un intérêt ou une relation avec le produit considéré.
Cette réflexion sur les acteurs amène à élargir le nombre de parties prenantes considérées, puis à engager une relation avec certains de ces alliés. Plus que le nombre, c’est l’hétérogénéité des acteurs qui influence favorablement le succès d’un projet innovant.
C’est seulement au terme de multiples échanges qu’il est possible d’élaborer un modèle d’affaires
Bien souvent, la rédaction d’un plan d’affaires ne peut intervenir que lorsque le processus qualitatif d’expression de la valeur est déjà bien avancé. Tout projet innovant doit donc in fine statuer sur son modèle d’affaires, c’est-à-dire définir trois flux essentiels :
- Le premier fixe la proposition de valeur, à savoir l’offre de l’entreprise
- Le second introduit le flux de revenus, c’est-à-dire l’approche retenue pour valoriser l’offre et la monétiser auprès des clients
- Enfin, le troisième se focalise sur les processus, l’architecture définie pour mettre en oeuvre la proposition de valeur. Il s’agit ni plus ni moins que l’organisation, interne et externe, nécessaire pour délivrer la prestation.
L’approche par la création de capacités vise tout d’abord à recenser des connaissances en rapport avec le produit à développer et avec l’écosystème dans lequel il s’inscrit.
Ce n’est que dans un deuxième temps que les informations recensées permettront d’établir un modèle d’affaires.
Bibliographie :
- Akrich, Callon, et Latour. 1988. A quoi tient le succès des innovations ? 1 : L’art de l’intéressement; 2 : Le choix des porte-parole
- Bertheau et Garel. 2015. Déterminer la valeur de l’innovation en train de se faire, c’est aussi et déjà innover
- Chesbrough et Rosenbloom. 2002. The Role of the Business Model in Capturing Value from Innovation: Evidence from Xerox Corporation’s Technology Spin‐off Companies
- Garel et Rosier. 2007. De la valeur client à la valeur amont – management de l’exploration et analyse de valeur
- Gillier, Hooge, et Piat. 2014. Framing value management for creative projects: An expansive perspective
- Lenfle. 2008. Projets et conception innovante
- Maniak et al. 2014. Value Management for Exploration Projects
- Vian, Gill, et Courtois. 2013. Isma 360®: la boussole de l’entrepreneur innovateur