L’utilisation bienvenue de la recherche académique pour construire un robuste dispositif d’évaluation des projets innovants

Les projets innovants ont cette particularité d’évoluer dans l’inconnu et l’incertitude, sans que la destination ne soit connue à priori. De ce fait, comment est-il possible d’en mesurer les résultats ?

Cet article fait partie d’une série qui se propose de présenter les méthodes d’évaluation des projets innovants. Les cas d’application les plus immédiats sont les suivants :

  • Intrapreneuriat
  • Pilotage d’une innovation
  • Coaching d’une équipe innovante
  • Arbitrage d’un portefeuille de projets
  • Audit de projet

Exploitation ciblée des travaux académiques

Les billets précédents ont montré les limites des approches actuelles en matière d’évaluation des projets innovants. Mais si chaque approche est individuellement insuffisante pour traiter de cette problématique, la mise en commun des éléments les plus pertinents de chacune d’entre elles permet de bâtir un dispositif original et efficace.

L’analyse bibliographique présentée dans les billets précédents ont permis d’identifier les éléments les plus pertinents et les plus actionnables dans l’objectif d’évaluer un projet innovant.

L’approche rationnelle apporte la notion relative au trio d’indicateurs coût-qualité-délai, critères classiquement utilisés en gestion de projet mais largement insuffisants pour le cas spécifique de l’innovation.

L’approche multidimensionnelle enrichit l’approche rationnelle et complète le simple trio coût-qualité-délai, avec notamment les impacts directs (financiers et qualitatifs) et indirects (préparation de l’avenir).

Avec l’approche par la réduction de l’incertitude, apparaît la nécessité d’acquérir des connaissances au fur et à mesure du projet d’innovation pour réduire les incertitudes et/ou créer de nouvelles voies.

La vision par la construction de capacités distingue trois points cruciaux. Il s’agit tout d’abord d’identifier les connaissances créées pour permettre la prise de conscience des effets sur les nouvelles compétences et idées et in fine sur les nouveaux produits. Ensuite émerge la notion d’intéressement d’un nombre croissant d’alliés aussi hétérogènes que possible. Enfin la définition du business model comme conséquence du travail de conception innovante constitue le troisième apport important.

Avec la théorie de conception C-K, ce sont tout d’abord les critères V2OR Variété-Valeur-Originalité-Robustesse qui se positionnent comme complémentaires aux critères coût-qualité-délai. De plus, le nécessaire équilibre entre créativité (variété et originalité) et connaissances (valeur et robustesse) précise la part jouée par ces quatre nouveaux critères. La notion d’éloignement avec le dominant design définit un critère d’avancement de la réflexion de conception innovante. Enfin, quatre types de résultats des projets innovants sont distingués : les concepts mis en oeuvre, les concepts explorés, les connaissance re-exploitables et les connaissances explorées.

Reformulation de la problématique grâce aux résultats de la recherche

En s’appuyant sur la synthèse établie précédemment, il devient désormais possible de reformuler la problématique portant sur l’évaluation des projets innovants autour de trois axes principaux de travail :

  1. La première thématique traite du produit innovant et de la façon dont il est conçu au sein de l’entreprise.
  2. La deuxième thématique aborde les relations que l’entreprise entretient avec l’extérieur, ses fournisseurs, partenaires et clients.
  3. La troisième thématique détaille les bénéfices et apprentissages du projet innovant.

L’axe 1 traite de l’évaluation de la richesse de l’arborescence du travail de conception innovante

Si les critères V2OR Variété-Valeur-Originalité-Robustesse permettent efficacement d’évaluer le résultat d’un travail de conception innovante, l’analyse de la littérature met en avant le nécessaire équilibre entre la créativité des concepts produits – avec les critères de variété et d’originalité et leur faisabilité – avec les critères de valeur et de robustesse des concepts. Le degré de rupture avec l’existant se mesure quant à lui avec le critère d’éloignement du dominant design.

L’axe 2 vise à traiter de l’intérêt manifesté par l’écosystème et la capacité à formuler un modèle d’affaires

La littérature propose ainsi d’évaluer la capacité du projet à intéresser un nombre croissant d’alliés. Une proposition supplémentaire consiste à étudier le degré d’hétérogénéité des alliances comme facteur de succès de développement d’une innovation.

Les alliés peuvent être amenés à devenir des bénéficiaires-utilisateurs ou des clients de l’innovation. Ce dernier point traduit l’apparition, l’existence et la formalisation du modèle d’affaires du projet innovant.

L’axe 3 concerne la mesure des effets du projet innovant

Si le trio CQD coût-qualité-délai est insuffisant pour évaluer un projet innovant, il est cependant adapté au suivi des ressources disponibles par l’équipe-projet. La littérature insiste sur la prise en compte des impacts directs (financiers et qualitatifs) et indirects (préparation de l’avenir), notamment la création et la réutilisation de nouvelles capacités.

L’évaluation d’un projet innovant se réalise également par l’acquisition continue de connaissances, essentiellement pour réduire les incertitudes et/ou créer de nouvelles voies. L’identification des connaissances créées permet à l’équipe-projet d’évaluer les effets sur les nouvelles compétences et idées et in fine sur les nouveaux produits.

Finalement, les résultats d’un projet innovant intègrent des concepts mis en œuvre, concepts explorés, connaissances re-exploitables, connaissances explorées.

Ainsi, les trois axes principaux de travail fournissent des positions d’étude intéressantes permettant d’évaluer les projets innovants

La problématique « Comment évaluer les projets innovants ? » se décompose ainsi en 3 axes distincts et complémentaires :

  • Axe de travail 1 : Comment évaluer l’arborescence du travail de conception innovante ?
  • Axe de travail 2 : Comment évaluer l’intérêt manifesté par l’écosystème et la capacité à formuler un modèle d’affaires ?
  • Axe de travail 3 : Comment évaluer les effets d’un projet innovant ?

Pour s’assurer de la pertinence et de l’efficacité de ces 3 axes, le dispositif a été testé sur plusieurs projets innovants.

J’ai tout d’abord retenu des projets se trouvant à un stade de développement où l’évaluation prenait tout son sens pour deux raisons principales. Chaque projet avait en effet largement dépassé le stade du démarrage, ayant déjà été capable de convaincre quelques clients et de générer des premiers revenus. Cependant, chacun de ces projets n’avait pas encore pris son envol, les incertitudes techniques et commerciales étant encore fortes.

Pour l’un des fondateurs, il percevait l’importance de pouvoir faire le bilan du chemin parcouru pour faciliter de futures prise de décisions. Pour un autre, il s’agissait de valider la stratégie qu’il entendait mettre en œuvre pour sa société. Enfin, un troisième porteur de projet attendait de ce dispositif qu’il puisse l’aider dans le pilotage du projet.


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