Pour cet article invité, innovecteur a donné la parole à un expert du financement de nouveaux business. Écoutez ou lisez son message !
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Frédéric est Business Angel.
Il a déjà investi dans 20 start-ups allant de l’industrie technologique aux médias et s’intéresse aux technologies DeepTech émergentes et à leurs applications dans différents secteurs. Il intervient également dans les fonds de Seedstars, une organisation mondiale dont la mission est d’influencer la vie des gens sur les marchés émergents grâce à la technologie et à l’esprit d’entreprise.
Depuis presque 5 ans, Frédéric est consultant et investisseur indépendant pour de jeunes entreprises. Il les aide à mener leurs opérations de levées de fond et à développer leur modèle de croissance. Il est aussi directeur dans Norman Venture Office, entreprise qui offre des conseils aux entrepreneurs qui cherche à croître leur entreprise.
Frédéric possède une expérience de plus de 15 ans dans le secteur de la gestion de projets, des achats et de la supply chain, ayant travaillé pour Givaudan, Syngenta et Monsanto.
Contact : https://www.linkedin.com/in/frederic-lauchenauer-25ba602/
(02’00) Comment es-tu arrivé dans le monde de l’investissement ?
Je suis arrivée dans le monde de l’investissement il y a un peu plus de 6 ans, essentiellement par volonté d’apprendre et découvrir de nouveaux secteurs d’activité. Mon frère et moi voulions sortir de l’investissement classique dans les actions côtés en bourse et aussi découvrir et mieux comprendre les nouvelles technologies qui aujourd’hui bousculent l’économie.
Nous avons démarré notre exploration du monde de l’investissement par la recherche d’informations, de contacts et autres acteurs déjà en place. Assez vite, la volonté de s’associer et de s’intégrer au sein d’une association de Business Angels est apparue.
(04’30) Comment te définis-tu en tant qu’investisseur, quel est ton rôle ?
Nous investissons dans 1 à 3 start-up par an, avec des montants compris entre 10 et 50’000 francs suisses, afin d’agrandir notre portefeuille d’investissement, tout en cherchant à nous assurer d’un bon retour sur investissement.
Certains investisseurs sont très opérationnels, d’autres plus passifs. Je suis personnellement assez investi dans le développement de la start-up et cherche à épauler le dirigeant.
Mon rôle dépend également du rôle que j’ai eu lors de la due diligence. Si j’ai mené la due diligence, j’ai alors plutôt un rôle de coordinateur avec le groupe d’investisseurs. Sinon, j’ai plutôt un rôle de conseiller où j’aide la start-up à se structurer pour lever des fonds. J’interviens alors dans la préparation des documents de préparation à la levée de fonds puis dans la recherche d’investisseurs.
(08’10) Qu’est-ce qui t’intéresse dans les start-ups technologiques et les deeptech ?
En tant qu’ingénieur chimiste de formation, le côté technique m’a toujours intéressé, la diversité des applications de la recherche m’a toujours passionné. Je suis toujours fasciné par ce que nous pouvons faire grâce à l’innovation. Prenons l’exemple du laser qui est omniprésent dans nos vies, découvert en 1960, et on continue à trouver des nouvelles applications.
En Suisse, beaucoup de start-ups technologiques sont très présentes, probablement en raison des deux écoles polytechniques et de tous les autres établissements orientés technologies. Du coup, les projets issus de la recherche sont assez nombreux et plus faciles à accompagner que des projets basés hors Suisse.
(12’40) Business Angel Switzerland et le rôle des business angels
Les Business Angels sont des individuels qui investissent leur propre argent et cherchent à obtenir un retour sur investissement, notamment pour leur permettre de continuer leurs investissements.
Par opposition, les Venture Capital investissent eux l’argent d’autres personnes, d’où une relation différente avec l’argent investi.
Une association de business angels fonctionne, dans ses décisions, d’une façon assez proche du venture capital. Le processus retenu est le suivant
- Les start-ups déposent leur dossier sur notre plateforme
- Ils sont analysés et commentés par un membre du comité selon plusieurs critères de sélection (domicilié en Suisse, innovation technologique ou dans le modèle d’affaire, valorisation pre-money (avant investissement) de maximum CHF 5M, volonté des dirigeants de prévoir une sortie pour les investisseurs d’ici 5 à 7 ans, ouverts à avoir un membre dans le conseil d’administration ou en tant qu’observateur)
- Lorsqu’au moins 4 de ces 5 critères sont remplis, les membres du jury donnent leur avis et votent, puis les autres membres votent à leur tour. Une fois par mois, nous choisissons les 3 dossiers pour une séance de pitch
- Après le pitch, un processus de due diligence se met en place pour approfondir la qualité de l’équipe et la pertinence du projet. Ce processus peut durer jusqu’à quelques mois
- Enfin, une session de questions / réponses a lieu pour davantage comprendre tous les aspects du business et du fondateur
- La dernière étape concerne la convention d’actionnaires, c’est-à-dire le cadre de gouvernance qui fixe les relations entre le fondateur et les investisseurs
Il faut solliciter les Business Angels au moins 6 mois avant que la start-up n’ait plus d’argent, car le processus de levé de fonds est toujours plus long que prévu et chronophage. Je recommande de commencer à chercher 12 mois avant avec une réflexion sur les besoins.
(18’15) Il y a-t-il une étape particulièrement cruciale dans tout ce processus ?
Chaque étape est tout à fait importante.
Le pitch sert de première prise de contact entre l’entreprise et les investisseurs. Le conseil pour le pitch, c’est d’additionner le temps de présentation et le temps de questions/réponses, afin de programmer les arguments à apporter dans l’une et l’autre partie.
La première minute est particulièrement cruciale et doit être parfaitement préparée car c’est à ce moment que l’on engage le dialogue avec les investisseurs. Ensuite, les questions servent bien entendu à obtenir des informations complémentaires mais aussi à évaluer le comportement du fondateur en situation de pression ou de stress.
(22’25) Quid de l’estimation financière de la valeur de l’entreprise ?
La valorisation s’estime plus qu’elle ne se calcule. Plusieurs méthodes existent mais en général, les Business Angels estiment par comparaison avec des projets sur lesquels des investissements ont déjà eu lieu. En effet, à ce stade, l’entreprise a peu de ventes, peu de clients, donc il y a peu de données pour calculer de façon scientifique la valorisation de l’entreprise
Le point important, c’est le pourcentage de la société que je veux concéder aux investisseurs. C’est le point de départ du travail sur l’estimation de l’entreprise. Une autre façon d’éviter le problème de la valorisation consiste à fonctionner via les prêts convertibles, qui sont des emprunts convertibles en action au tour suivant.
(28’25) Sortie / exit et récupération de l’investissement. Quels sont les attentes des Business Angels ?
En matière de retour sur investissement, il faut tenir compte de la durée nécessaire pour obtenir le retour. Un investissement multiplié par 2 en 2 ans n’a pas la même valeur que s’il se réalise sur 5 ans, puisque l’argent perd de la valeur au cours du temps.
Point important à mentionner, l’investisseur qui récupère sa mise est déjà satisfait, car l’investissement a lieu a un stade amont, alors que les preuves de la valeur de l’innovation de l’entreprises ne sont pas encore établies.
Le standard est x 3 sur 7 ans, mais bien entendu, ces critères varient d’un investisseur à l’autre.
Les options d’exit sont diverses :
- La bourse, valable seulement pour les entreprises installées depuis longtemps
- La vente de l’entreprise par une PME ou même un groupe
- Le rachat par un fonds d’investissement
(33’45) Tu as également créé ton propre fonds d’investissement, ce qui te permet d’investir sur des projets que tu juges prometteurs.
Plus qu’un fonds structuré, nous avons décidé d’allouer une certaine ne somme d’argent dédié aux investissements qui peuvent croître. En général nous mettons CHF 10k à CHF 20k lors du premier tour d’investissements et nous essayons d’investir dans 1 à 3 projets par an.
Nos premiers investissements étaient au départ très larges et très ouverts, avec 7 investissements en 2 ans !
Puis, par la suite, nous avons décidé de nous spécialiser dans les domaines techniques de haut niveau (biotech, medtech, environnement).
Puis, ce qui compte, c’est la gestion du portefeuille, en particulier les sorties d’investissements. Pour nous, investisseurs, c’est qui est important, c’est de saisir les opportunités de revente lorsqu’elles se présentent et de conserver un minimum de 10 investissements.
(40’00) Quelles relations as-tu avec le porteur de projet, une fois que tu as investi dans sa société ?
Je maintiens une relation assez proche avec quelques porteurs de projet et je donne un coup de main quand il le faut. En fonction de l’actualité, je peux avoir des points hebdomadaires ou plus éloignés, jusqu’à une fois par mois.
Pour les autres investissements, je m’appuie sur les informations fournies par l’entreprise et les autres investisseurs actifs auprès de la start-up. Pour information, une newsletter trimestrielle est tout à fait pertinente pour que l’investisseur dispose d’informations régulières et puisse agir positivement en cas de coup dur.
(43’50) Tu sièges également au conseil d’administration d’une start-up, en tant qu’observateur. A quoi sert un conseil d’administration (CA)? A quel stade du projet est-il créé ?
Personnellement je pense que l’entreprise doit mettre en place son conseil d’administration le plus tôt possible, car tôt ou tard, elle devra le faire. C’est donc une bonne habitude à prendre afin d’apprendre à structurer sa communication et la formalisation de certains documents obligatoires (assemblée générale une fois par an par exemple).
De façon simplifiée, l’entreprise peut commencer par la mise en place d’un conseil informel, constitué alors de « conseillers ».
L’intérêt d’un conseil d’administration, c’est d’apporter un regard extérieur, fournir des conseils stratégiques et remettre en cause régulièrement les décisions prises. Le conseil soutient l’équipe dans les décisions stratégiques et parfois opérationnelles. Pour une start-up, le rôle du CA est 5% administratif et 95% stratégie.
(48’35) Quel est son intérêt d’un conseil d’administration pour le fondateur ?
Un bon conseil d’administration est un bon élément de gouvernance qui va permettre au fondateur de se focaliser sur l’opérationnel et le développement de la start-up.
C’est l’équipe de direction qui va faire la différence, le nombre idéal de fondateurs étant 3. Avec en plus un conseil d’administration, cette équipe étendue sera plus à même de faire évoluer la stratégie de l’entreprise en fonction de la réalité qu’elle rencontre.
(51’00) Quels sont les conseils que tu donnes aux futurs investisseurs ?
La bonne pratique, c’est de faire partie d’une association de business angels pour échanger et monter en compétences, apprendre comment faire des investissements, le processus depuis le pitch, à travers la due diligence jusqu’à une sortie ! De plus, il y a une grande diversité de personnes avec qui nous pouvons échanger nos points de vues et apprendre.
Il faut réaliser soi-même plusieurs due diligence afin de gagner en compétence.
Enfin, il faut être prêt à perdre l’argent que l’on investit.
(53’40) En guise de conclusion, quelques mots sur ta société Norman Venture Office
Nous fournissons des conseils en finance, investissement et comptabilité et nous aidons les entreprises à structurer leurs finances, essentiellement pour les jeunes entreprises. Nous proposons également des services de direction financière à temps partiel.
Contact : https://www.normanventureoffice.ch/
Pour aller plus loin
- Un ebook pour piloter votre projet innovant, évaluez-le vraiment !‘ : https://innovecteur.com/produits-services/ebook-pilotage-evaluation-projets-innovants/
- Un article sur les secrets de l’incubation de projets technologiques : https://innovecteur.com/2020/10/26/les-secrets-incubation-de-projets-technologiques-part-1/