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La journée » Info Action » organisée par le Comité National Innovation de l’AFNOR vient de s’achever ce mardi 10 octobre. Je souhaite partager les messages qui me semblent particulièrement intéressants ainsi que le lien pour télécharger la norme ISO 56001 !
Bravo à toute l’équipe d’organisation d’avoir réuni des Directeurs innovation de grandes entreprises, Responsables innovation de PME et de structures publiques, Consultants, Universitaires, Représentants de l’État.
Car avec l’objectif de nous faire découvrir la future norme « ISO 56001 – Exigences pour le système de management de l’innovation » et nous permettre d’influencer la version finale, le challenge était ambitieux !
Bien entendu, les 10 points que je mentionne ici ne résument en rien la multitude des échanges et la variété des discussions qui ont eu lieu. Ma sélection est tronquée, subjective et sortie de son contexte plus large. Et la norme ISO 56001 est bien plus complète que ce billet.
Cependant, les informations que je détaille vous offriront l’opportunité d’accéder à ce document de façon pédagogique. Cela vous donnera la possibilité de vous situer vis-à-vis de son contenu et, je l’espère, de vous exprimer.
Car vous avez jusqu’à la fin de novembre 2023 pour faire part de vos commentaires sur le projet à travers la procédure d’enquête publique (lien qui vous donnera accès à la norme, en français et en anglais) : https://lnkd.in/eEdUurnp.
Vos contributions serviront à alimenter le débat au niveau international et faire encore évoluer la norme, dont la version définitive devrait être publié au cours du 2ème semestre 2024.

Ce billet s’inscrit dans mes travaux documentés dans l’ouvrage « Du projet innovation au management responsable de l’innovation« , qui tenait déjà compte des recommandations proposées par un document cousin de l’ISO 56001 [merci Alice de Casanove].
Le management responsable de l’innovation propose de tenir compte des impacts potentiels, positifs et négatifs à court et long terme, de toute innovation. Une nécessité actuelle, alors que nous redécouvrons le sens des limites planétaires, sociales et sociétales.
« Un tel sujet, très peu abordé ni pas encore vraiment enseigné, méritait d’être approfondi et surtout documenté par les pratiques en cours.
Une très belle synthèse riche de nombreux apports qui au final est très opérationnelle, ce qui est assez rare. » Antoine
90 pages à parcourir pour découvrir les enjeux de l’innovation responsable et devenir #inno-responsable.
Disponible en formats papier et électronique
AVERTISSEMENT : Cet article, même s'il s'appuie largement sur le document ISO/DIS 56001 "Système de management de l'innovation", est interprété (subjectivement) et rédigé (sélectivement) sous la seule responsabilité d'innovecteur.
1. Points de repère
La norme ISO 56001, intitulée « Exigences pour le management de l’innovation », vise à fournir un cadre pour la mise en place d’un système de gestion de l’innovation et sa certification (suite à audit). Sans chercher à imposer une structure unique mais en proposant tout d’abord quelques points de repère :
Innovation : entité nouvelle ou modifiée réalisant ou redistribuant de la valeur
- [entité] Une innovation peut être un produit, un service, un processus, un modèle d’affaire, une méthode, etc
- La nouveauté et la valeur se rapportent à la perception de l’organisme et des parties intéressées pertinentes et sont déterminées par cette perception.
- L’innovation est un résultat. Si le terme innovation se rapporte à des processus visant à l’innovation, il convient de l’associer à un qualificatif, par exemple activités d’innovation.
Valeur : gains découlant de la satisfaction des besoins et des attentes, par rapport aux ressources utilisées
- Revenus, économies, productivité, durabilité, satisfaction, habilitation, implication, expérience, confiance.
- La valeur peut être financière ou non financière.
- La valeur peut être créée, réalisée, acquise, redistribuée, partagée, perdue ou détruite.
Initiative d’innovation : ensemble d’activités coordonnées visant l’innovation
- Une initiative d’innovation peut être informelle ou formellement maîtrisée et peut prendre la forme d’un projet, d’un programme ou de tout autre type d’approche.
- Les objectifs et le périmètre d’une initiative d’innovation peuvent changer et être mis à jour à mesure que l’initiative avance. Une initiative peut être abandonnée ou suspendue, ou ses résultats peuvent être transférés à d’autres initiatives, projets ou programmes. Les initiatives n’aboutissent pas toutes à des innovations.
- Un ensemble d’initiatives d’innovation peut constituer un portefeuille d’innovations.
2. Cette norme peut être utilisée par différents types d’organisations
2.1 Pour leur propre compte
- Des organisations collaborant dans une chaîne de valeur [entreprise publique ou privée, quelle que soit leur taille]
- Des réseaux d’innovation ouverts [communauté d’innovation par exemple]
- Des écosystèmes partageant une mission commune [innovation collaborative].
2.2 Pour évaluer un partenaire
Des organisations souhaitant évaluer la capacité d’innovation de leurs partenaires, fournisseurs ou autres parties prenantes potentielles.
2.3 Pour décider de l’utilisation de fonds
- Des organismes de financement,
- Des investisseurs,
- Des autorités gouvernementales,
cherchant à allouer des fonds (subvention, avance, prêt, capital) à des structures innovantes.
3. La norme définit 8 principes de management de l’innovation
Ils guident la mise en œuvre du système de gestion de l’innovation :
- Création de valeur : La valeur, qu’elle soit financière ou non, découle de la mise en œuvre de solutions nouvelles ou modifiées pour les parties prenantes.
- Dirigeants tournés vers l’avenir : Les dirigeants, à tous les niveaux, doivent encourager l’innovation en élaborant une vision inspirante.
- Orientation stratégique : L’innovation doit être alignée sur des objectifs partagés et soutenue par les ressources nécessaires.
- Culture : Une culture d’ouverture au changement, de prise de risque et de collaboration est essentielle.
- Exploiter les insights : L’organisation doit tirer parti d’indices internes et externes pour acquérir des connaissances éclairantes.
- Gérer l’incertitude : L’incertitude et les risques doivent être évalués, exploités et gérés par l’expérimentation systématique.
- Adaptabilité : L’organisation doit être capable de s’adapter en temps opportun aux changements du contexte.
- Approche systémique : Le management de l’innovation repose sur une approche systémique avec une évaluation régulière des performances et des améliorations du système.
4. Gestion de l’incertitude et du risque
Pour l’ISO 56001, les activités d’innovation présentent, par définition, des niveaux élevés d’incertitude, en particulier au cours des premières phases d’exploration.
Ces phases se caractérisent par la non-linéarité, l’expérimentation et l’apprentissage. Elles sont propices à l’acquisition de nouvelles connaissances et d’indices, ce qui réduit l’incertitude au fur et à mesure que le processus avance.
Les initiatives d’innovation impliquent une prise de risque dans la prise de décision, et toutes les initiatives ne mènent pas nécessairement à des innovations réussies.
L’interruption d’initiatives fait partie intégrante du processus d’innovation et peut constituer une source d’apprentissage pour le développement d’autres activités d’innovation.
5. Innovation vs. Qualité
Il existe d’autres normes de management telles que l’ISO 9001 pour la qualité, l’ISO 14001 pour l’environnement, et l’ISO 45001 pour la santé et la sécurité au travail.
Pour les entreprises, l’intégration de ces exigences se pose comme un défi, sujet abordé (superficiellement) par les normes ISO 56001/2. Bien que chaque norme puisse être utilisée de manière indépendante, elles sont compatibles grâce à une structure similaire et des exigences voisines, permettant de regrouper divers mécanismes.
En ce qui concerne l’innovation, la norme ISO 56001 repose clairement, bien qu’elle ne le mentionne pas explicitement, sur le concept d’ambidextrie, c’est-à-dire l’équilibre entre :
- l’exploitation des offres existantes [aujourd’hui] et
- l’exploration de nouveaux produits, services, procédés et modèles économiques [demain].
Au-delà de cette distinction parfois ténue, le succès de l’ambidextrie résulte dans la capacité à maintenir un lien étroit entre exploitation et exploration, par le biais par exemple de transfert de connaissances / compétences / apprentissages. Il me semble utile d’inclure cette réalité dans la future norme innovation.
Selon ma propre appréciation, l’ISO 56001 apporte sa valeur aux activités d’exploration, que ce soit pour une jeune entreprise en phase de croissance ou pour un centre de recherche, de développement, ou d’innovation.
Les normes Qualité, Environnement, Santé & Sécurité, en revanche, soutiennent plus efficacement les activités d’exploitation et les principes d’innovation incrémentale et d’amélioration continue.
Je reste cependant encore sceptique sur certaines exigences de l’ISO 56001.
Songez que la norme innovation fait notamment référence à des principes de non-conformités, d’audits et d’actions correctives – notions qui ont du sens pour des activités d’exploitation – alors que le but même de l’innovation est d’explorer.
Ces volonté de cadrage / croyance de contrôle étoufferont tôt ou tard l’initiative des innovateurs.trices.
Enfin, inscrire ces paramètres comme des exigences de la norme innovation implique qu’ils seront audités (vous connaissez la suite : documentation => formalisation => bureaucratisation).
Une entreprise gérant en même temps des activités d’exploitation et d’exploration aura tout intérêt à distinguer ses systèmes de gestion comme cela a d’ailleurs été largement documenté dans les travaux de recherche :
- La norme innovation pour les activités de recherche, développement, innovation, marketing stratégique et
- les normes Qualité – Environnement – Santé & Sécurité pour les autres activités (marketing opérationnel, vente, industrialisation et production, supply chain, service clients, …).
6. Rôle du top management, selon la norme
- La direction doit élaborer des stratégies d’innovation qui mettent en évidence l’importance de l’innovation, la valorisation des bonnes pratiques et l’apprentissage issus des succès et des échecs.
- Il incombe à la direction de cultiver une atmosphère propice à l’innovation, favorisant la créativité, la prise de risque, la collaboration, l’exploration, la diversité, l’apprentissage continu, et un engagement résolu envers les résultats.
- La direction doit affirmer son leadership et son engagement dans la création de valeur, tant sur le plan financier que non financier.
- La direction doit allouer du temps et des ressources pour les activités d’innovation et de formation et démontrer son engagement envers la gestion du changement.
7. Portefeuille d’innovations
Pour optimiser son potentiel de réussite, la norme préconise de mettre en place un portefeuille d’initiatives d’innovation et de l’évaluer à la lumière de plusieurs aspects :
- L’équilibre entre le risque et les bénéfices
- La valeur par rapport à l’effort investi
- Le degré de nouveauté
- Les types d’innovation
- Les horizons temporels
Il est possible que l’organisme crée des portefeuilles d’innovations à différents niveaux, à savoir le niveau stratégique, tactique et opérationnel, selon les besoins et les objectifs de l’organisation.
Je partage entièrement cette exigence puisque même une jeune entreprise, limitée dans ses possibilités de diversification, aura tout intérêt à l’envisager : son offre ou a minima certaines technologies / partenaires / marchés.
Disposer d’un plan B est bien souvent une règle de survie en incertitude.
8. Processus d’innovation
L’organisme doit établir des processus d’innovation flexibles et adaptés à chaque initiative d’innovation. La norme ISO 56001 identifie cinq thèmes complémentaires :
- Identifier les opportunités, notamment sur la base d’attentes déclarées et non déclarées des utilisateurs, clients et autres parties intéressées.
- Créer des concepts, jusqu’à la détermination de la valeur pour les utilisateurs, clients, partenaires et autres parties prenantes.
- Valider les concepts en testant les incertitudes critiques liées au concept et en effectuant des ajustements, des améliorations ou en abandonnant le concept.
- Développer des solutions opérationnelles, en prenant en compte les aspects de propriété intellectuelle et en se préparant pour le déploiement à plus grande échelle
- Déployer les solutions, en évaluant l’adoption et l’impact de la solution en termes de création de valeur.
9. Outils
Parmi les outils mentionnés, la norme propose à titre d’exemple, l’analyse rétrospective, la recherche ethnographique, la planification de scénarios, la prospective, le brainstorming, l’intelligence stratégique, le Design Thinking, la méthodes TRIZ, les roadmaps, les enquêtes clients et les outils d’élaboration de business modèles.
On y ajoutera l’approche C-K, le Lean Startup, Vianeo / ISMA 360, le design fiction, l’innovation frugale, l’intrapreneuriat, l’effectuation et les open labs pour compléter le catalogue.
Il faut noter la liberté totale accordée à chaque organisme pour faire ses choix dans ce vaste panorama, ce qui me semble être l’approche la plus raisonnable. D’autant qu’au-delà des outils, c’est l’intelligence collective qui fait bien souvent (toujours) la différence.
Vous l’avez remarqué, les outils mentionnés plus haut se veulent tous êtres rationnels et produire à coup sûr des résultats. Pourquoi ne pas promouvoir également des approches plus sensibles, tout aussi efficaces mais encore perçues de façon péjorative ? [Merci Gaëlle-Rey]. D’autant que la recherche académique a étudié ces phénomènes d’hybridation.
Cela constituerait probablement une première pour l’Organisation internationale de normalisation !
10. Indicateurs
La norme ISO 56001 ne cite aucun indicateur à mettre en place et se contente d’exiger de « déterminer ce qu’il est nécessaire de surveiller et mesurer » et de fixer les « indicateurs de performance d’innovation à utiliser ». Un seul indice est mentionné : tenir compte des performances d’innovation aux niveaux du système, du portefeuille et de l’initiative.
Cette pauvreté est décevante, vue la complexité du sujet.
- A minima une reprise partielle des recommandations de la norme ISO 56002* apporterait une contribution plus que nécessaire à la dimension ‘initiative’.
- Également des indicateurs en lien avec les principes de management de l’innovation (§ 3), pour couvrir la dimension ‘système’.
- Pour la dimension ‘portefeuille’, le livre « Du projet innovation au management responsable de l’innovation » y consacre un chapitre entier. « Dans quelle mesure l’entreprise prépare-t-elle son avenir / investit-elle en cohérence avec ses priorités stratégiques / anticipe-t-elle les changements du marché et de la société » devrait partie des sujets à traiter.
* L’ISO 56002 apporte un point de départ intéressant : « Le tableau de bord peut inclure des indicateurs quantitatifs ou qualitatifs de performance en matière d’innovation, notamment :
a) des indicateurs liés à des éléments d’entrée, par exemple le nombre d’idées, le nombre d’initiatives d’innovation, le potentiel des idées en termes de création de valeur, les nouvelles sources de connaissances, les nouvelles idées, les ressources et les compétences;
b) des indicateurs liés au rendement, par exemple la vitesse d’expérimentation, d’apprentissage et de développement, le nombre ou le taux d’employés, de cadres ou d’utilisateurs impliqués ou formés, l’efficacité de la collaboration et des relations, les nouveaux outils et les méthodes adoptées, le délai avant réalisation d’un bénéfice, le délai de mise sur le marché, le niveau d’engagement et la notoriété de la marque;
c) des indicateurs liés à des éléments de sortie, par exemple le nombre ou le taux d’idées mises en pratique, le retour sur investissement des innovations, la croissance du chiffre d’affaires et des bénéfices, la part de marché, la simplicité d’emploi, la vitesse d’adoption par les utilisateurs, le niveau de satisfaction des utilisateurs, la vitesse de diffusion des innovations, le renouvellement et la transformation organisationnels, les bénéfices sociétaux et en termes de durabilité, les économies réalisées, la vitesse d’apprentissage, la propriété intellectuelle, les nouveaux utilisateurs et l’image. »
Ainsi, dans la logique de la norme ISO 56001, il est admis que l’aptitude à innover est un facteur clé de croissance durable, de viabilité économique, d’amélioration du bien-être et de développement de la société.
Pour concrétiser cette ambition, la future norme d’exigences (ISO 56001) pourrait s’inspirer du document de recommandations (ISO 56002).
Elle propose en effet des formulations en adéquation avec la notion de management responsable de l’innovation : « utilisation responsable des ressources », « renouvellement durable du portefeuille d’offres », « impact souhaité des innovations », « impact en termes de création ou de redistribution de valeur », « impact en termes d’adoption et nouveaux comportements des utilisateurs, clients, partenaires et autres parties intéressées », « questions de responsabilité sociétale ».

Ce billet s’inscrit dans les travaux de recherche documentés dans l’ouvrage « Du projet innovation au management responsable de l’innovation« .
Cette pratique consciente de l’innovation propose de tenir compte des impacts potentiels, positifs et négatifs à court et long terme, de toute innovation.
« Un tel sujet, très peu abordé ni pas encore vraiment enseigné, méritait d’être approfondi et surtout documenté par les pratiques en cours.
Une très belle synthèse riche de nombreux apports qui au final est très opérationnelle, ce qui est assez rare. » Antoine
90 pages à parcourir pour découvrir les enjeux de l’innovation responsable et devenir #inno-responsable.
Disponible en formats papier et électronique